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Quand Bruce Springsteen lançait une offensive pop avec vidéoclips et synthétiseurs

Retrouvez tous les épisodes de la série « Bruce Springsteen et les 40 ans de “Born in the USA” » ici.
Qui est le « Boss » ? Bruce Springsteen aurait hérité de ce surnom qu’il abhorre lors de parties de Monopoly avec son cercle ou, plus prosaïquement, parce qu’il remplit les fiches de paie de ses musiciens. Il est toutefois un homme devant lequel il lui arrive d’obtempérer : son manageur, Jon Landau. Ce que celui-ci demande, en février 1984, agace pour le moins le chanteur. Alors que ce dernier doit déjà écarter de son album Born in the USA des dizaines de titres parmi ceux qu’il a enregistrés depuis janvier 1982, Landau estime qu’il en manque un, essentiel : un appât propre à ferrer le public pop.
Dans un premier temps, le travailleur renâcle et répond même à son exigeant ami que ce tube, il n’a qu’à le fournir lui-même, à en croire ce que rapporte un proche, le journaliste Dave Marsh (Bruce Springsteen. Vie de rocker, Carrère, 1988). Il s’exécute, néanmoins. Une soirée suffira à composer Dancing in the Dark. Le refrain s’adresse sans doute au commanditaire : « Tu ne peux allumer un feu sans étincelle ». Le reste est d’un pessimisme à l’avenant : « Je suis juste fatigué et ennuyé de moi-même » ou « Je ne vais nulle part ».
Le contraste entre paroles et musique est une technique éprouvée de l’écriture musicale. Car, comme l’annonce son titre, Dancing in the Dark a vocation à être programmé par les DJ. Et les fans ne manqueront pas d’être surpris par le premier son que l’on entend, celui d’un synthétiseur. Au moment même où Bruce Springsteen & The E Street Band sont les champions incontestés d’un rock américain à guitares, qui a aussi retrouvé de sa vigueur avec Tom Petty & The Heartbreakers ou Bob Seger & The Silver Bullet Band. Le succès du double album The River (1980) a dynamisé une scène qui a pour principales vertus l’honnêteté, l’humilité et le respect des racines. Il existe même dans l’Indiana une version rurale de Springsteen avec John Mellencamp.
Le problème est que ce courant informel attire bon nombre de puristes. Ceux-là considèrent généralement que le synthétiseur, instrument-roi des années 1980, représente avec la boîte à rythmes le mal absolu. Or, la moitié des chansons de Born in the USA comportent des nappes polyphoniques de Yamaha CS-80, un synthé analogique que vient d’adopter Roy Bittan, le pianiste du E Street Band, dont le son a été popularisé par le compositeur grec Vangelis (1943-2022) ou le groupe californien Toto.
Sommé quatre ans plus tôt de stabiliser son jeu sous peine de perdre sa place, le batteur Max Weinberg a, de son côté, bien reçu le message. Pour Dancing in the Dark, il ne dévie pas d’un beat métronomique, impression accentuée par l’effet de réverbération de la caisse claire. Le mixage de l’album a été confié à Bob Clearmountain, un ingénieur du son qui a fait ses preuves avec Miss You (1978), le hit disco des Rolling Stones, puis leur album Tattoo You (1981). On le retrouve derrière les tubes calibrés pour les radios de deux rockeurs qui ont percé en 1983 et se posent en concurrents de Springsteen : Huey Lewis & The News et le Canadien Bryan Adams.
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